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Bonne année 2018 !

La marche du monde est comme un grand fleuve puissant qui nous emporte.
Je vous souhaite de trouver l’endroit, sur ce fleuve rapide et imprévisible, peut-être sur une petite veine à contre-courant, peut-être dans le puissant courant dominant, un endroit sûr et confortable où vous vous sentez à votre place, libre, utile et agile.

Bonne année 2018.

La pirogue de Pupoli

Pupoli est un jeune indien Wayana du village d’Antecunes Pata, situé sur une île du fleuve Litany, à la frontière entre le Surinam et la Guyane française.
« Le fleuve est large à cet endroit, parcouru de rapides. Les flots tumultueux se jettent en écumant à l’assaut des roches noires. Sur les rives, la forêt amazonienne s’étend à perte de vue, la seule clairière étant celle ouverte par les amérindiens pour construire leurs cases. Pupoli était l’un de mes compagnons (…) Je me souviens comme si c’était hier d’une aventure, en apparence anodine, qui m’a marqué. Pupoli, qui était encore un frêle garçonnet d’une dizaine d’années, m’avait invité à une partie de pêche à bord de sa pirogue. Nous étions partis, tout deux vêtus d’un Kalimbé, une simple bande de tissu rouge vif passée entre les jambes. Taillée d’une seule pièce dans un tronc, la pirogue de Pupoli était à peu près grande comme un jouet, instable à souhait, la coque à ras de l’eau. J’avais l’impression qu’il suffisait que j’écarte le coude pour qu’elle chavire. Pupoli était heureusement plus à l’aise que moi, jouant énergiquement de la pagaie, son petit arc au fond de la pirogue, avec sa ligne et quelques vers pour appâter. (…)
s-l300.jpgBientôt un grondement puissant nous parvint : nous approchions d‘une impressionnante chute d’eau qui barre le Litany sur toute sa largeur. Malgré le courant puissant, le garçonnet remonte sans effort apparent le cours de fleuve. Je me demande jusqu’où le téméraire Pupoli nous emmènerait. L’enfant ne s’arrêta qu’à quelques mètres de la chute. Là, il posa sa pagaie au fond de la pirogue, déroula sa ligne et commença à pêcher. Tout cela semblait aussi simple …qu’un jeu d’enfant !
Mais par quel miracle le petit Wayana avait-il pu triompher sans effort du puissant courant ? J’observais fasciné. Pupoli avait remonté le fleuve tout simplement en maintenant la pirogue dans les contre-courants engendrés par les rapides, se glissant habilement d’une roche à l’autre. La frêle embarcation tournait à présent sur place dans une petite zone de remous, à l’endroit exact, le seul peut être sur toute la largeur du fleuve, où une veine d’eau s’opposait au courant principal. Si nous nous étions écarté de quelques mètres nous aurions été emportés par des flots tumultueux contre lesquels il aurait été vain de lutter. Et ça mordait ! Pupoli remontait déjà un Piranha aux yeux rouges et à la mâchoire féroce. (…)
J’étais subjugué d’admiration par l’aisance et l’apparente facilité avec laquelle l’enfant s’était joué du fleuve apparemment indomptable. Il fallait une connaissance poussée de son environnement pour parvenir à une telle élégance ! Tout en pêchant, je méditais sur la leçon que Pupoli venait inconsciemment de m’offrir. Un courant entraîne toujours des contre-courants. Et plus le courant est puissant, plus les contre-courants le sont également. Si un enfant parvenait à se positionner dans la veine favorable, il arrivait à son but, alors même que le rapport de force entre le fleuve et ses petits bras lui était totalement défavorable.
Sur-la-piste-rouge-Indiens-de-Guyane-3-4.jpgJe sentis une immense joie monter en moi. J’avais jusqu’alors perçu notre monde comme ce long fleuve : terriblement puissant. Et je m’étais souvent senti comme embarqué contre mon gré par le courant, incapable de résister. La modernité nous emporte sans nous demander notre avis et personne ne sait vraiment où nous allons. Pourtant ce monde si puissant engendre des contre-courants : si j’apprenais à les identifier je n’aurais plus à lutter, à m ‘épuiser dans un combat perdu d’avance… en me positionnant à ma juste place, je deviendrais capable de tracer ma route selon mon cœur et mes rêves ».

Extrait de Permaculture -Guérir la Terre, Nourrir les hommes
De Perrine et Charles Hervé-Gruyer

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