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L’accélération impose de nouvelles aliénations Hartmut Rosa – Théorie critique de l’accélération. (4)

Notre monde est aliéné par l’accélération du temps, système totalitaire omniprésent et invasif. Pour Hartmut Rosa, il est temps de le reconnaître.

L’accélération nous impose de nouvelles aliénations :

L’aliénation par rapport à l’espace: la proximité sociale et la proximité physique sont de plus en plus séparées. Ceux qui sont proches de nous socialement n’ont plus besoin d’être proches de nous physiquement.

L’aliénation par rapport aux choses : les objets, les outils deviennent si compliqués que nous ne pouvons plus les comprendre. Rapidement obsolètes, ils passent dans nos vies, diminuant ainsi notre investissement ou notre attachement. Nous possédons davantage de tout, d'habits, de livres, de disques, de photos …mais nous n’avons pas le temps d’en bénéficier.

L’aliénation par rapport à nos actions : Nous faisons volontairement autre chose que ce que nous voulons réellement faire. La liste des choses à faire s’allonge chaque année dans tous les domaines de la vie, générant un sentiment de ne pas pouvoir faire ce que nous voulons faire, de consacrer moins de temps à notre activité principale, ex : le soin pour les médecins et infirmiers. Epuisés et dominés par « la liste de choses à faire », nous risquons d’oublier ce que nous voulons vraiment être. Et si cette conscience de ce que nous souhaitons être persiste, nous n’avons tout simplement pas le temps d’être ce quelqu’un.

L’aliénation au temps : La relation au temps évolue. Les expériences classiques du temps s’expriment en « temps long/temps bref » - un moment agréable passe rapidement et reste longtemps en mémoire, un moment ennuyeux passe lentement et s’oublie. Avec l’accélération, cette perception est remplacée par celle du temps bref/ temps bref.
Par exemple, une journée passée devant la télé correspond à un temps bref/bref : le temps vécu passe vite mais il rétrécit dans la mémoire. La télévision est une expérience « désensualisée » nous bougeons un peu la tête, tous les éléments arrivent à nos yeux, selon une perception très limitée par notre peau et notre nez. Les histoires dans lesquelles nous sommes immergés sont décontextualisées : elles n’ont rien à voir avec qui nous sommes et le reste de notre vie. C’est la même chose lorsque l’on surfe sur internet ou que l’on joue au jeu vidéo. Ces évènements, sans liens utiles avec notre vie ne laissent pas de traces dans notre mémoire, ils sont oubliés très vite. Cette tendance à l’effacement de la mémoire convient à l’accélération puisque nous devons toujours être prêts au nouveau et à l’imprévu.
Mais les traces dans la mémoire déterminent si le temps est perçu comme bref ou long. Dans les expériences vécues, surtout agréables, le temps passe vite et reste en mémoire longtemps- qui a oublié son premier baiser ? Dans les expériences virtuelles, le temps passe vite et les épisodes disparaissent rapidement de nos mémoires. Les heures passées devant les écrans deviennent des temps sans mémoire, sans résonnance. Ce manque d’appropriation de nos propres actions et expériences est bien une nouvelle forme d’aliénation.

Aliénation par rapport à soi et aux autres : Nous sommes de plus en plus détachés, désengagés des temps et des espaces de notre vie, des choses et des expériences avec lesquelles nous vivons et travaillons. Les relations à distance réduit la possibilité d’intimité. Même en face à face, nous prenons moins le temps à écouter l’autre, ses problèmes personnels, ce qui est important dans sa vie. Pourtant ces relations, longues à construire sont essentielles, elles servent de bases aux récits de nous-même, aux histoires que nous pourrions élaborer pour déterminer notre identité.

Toutes ces aliénations mènent à l’épuisement de l’être et amplifient le sentiment d’être dans un monde froid avec lequel nous ne résonnons pas.



• Définition d’aliénation : Situation de quelqu'un qui est dépossédé de ce qui constitue son être essentiel, sa raison d'être, de vivre.

Idée du livre résumée - Hartmut Rosa «l ‘accélération » 2016
Hartmut Rosa, est un sociologue et philosophe allemand, qui enseigne à l'université Friedrich-Schiller d'Iéna. Il fait partie d'une nouvelle génération de penseurs travaillant dans le sillage de la théorie critique (École de Francfort).

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