Loïc est invité à témoigner sur une chaîne d’information du câble.
Il y a quelques mois, inquiété par la crise, l‘actionnariat familial décide la fermeture du site français de la PME en solutions électroniques pour laquelle il travaille. À cette annonce, Loïc alors Président, propose de racheter l’entreprise. « Pour gagner du temps » précisera t-il plus tard. Mais très vite tout le monde s’attache à cette histoire possible.
Après plus d’un an de négociations et de prévisions ardues, le rachat se fait. Loïc devient co-propriétaire de cette entreprise qu’il dirigeait depuis plusieurs années. Audrey, la DAF s’engage aussi dans cette aventure à ses côtés.
Cette sucess story intéresse la presse et maintenant la télévision.
Prévenu le matin pour le soir, il a très peu de temps de préparation. C’est l’occasion de faire connaître la qualité de ses produits et il imagine aussi raconter la belle aventure humaine qui se cache derrière cette reprise. Mais ces journalistes ne s’intéressent à l’entreprise que pour ce qu’elle rapporte réellement ou virtuellement. Pas de place pour les histoires d'hommes et de femmes. Comme si une entreprise pouvait être autre chose qu’une aventure humaine !
Le présentateur s’intéresse aux produits, aux investisseurs, au mieux au nombre d’emplois sauvés. D’ailleurs il n’a pas le temps, son rédacteur lui crie des ordres dans son oreillette, ici l'essentiel est de lancer la pub à l’heure.
Quand Loïc parle d’une histoire de confiance, le journaliste entend que l’entreprise est prometteuse en terme de rentabilité et de stabilité pour les investisseurs, il veut des chiffres.
La confiance se limite à cela.
Comment pourrait-il comprendre l’histoire de confiance de cette PME ?
La confiance d'un homme qui croit suffisamment en sa capacité à faire des choix et à pouvoir y renoncer à tous moments.
C’est la confiance dans sa femme et ses enfants qui le soutiennent, quoi qu’il arrive.
C'est la confiance dans les équipes, dans leurs ressources de créativité et d’intelligence collective pour trouver les solutions à une reprise avec une baisse d’effectif qui demande de tout repenser, tout ré-organiser. D’ailleurs, très vite, les salariés se réunissent pour imaginer des solutions viables pour la reprise. Ils appellent ces rencontres « auto organisation ».
La confiance, c’est lorsque les salariés disent à Loïc avant une négociation déterminante « Loïc, quoi qu’il arrive, nous savons que tu auras fait tout ce que tu pouvais » car c’est cela la vraie confiance, croire en l‘intention de l’autre, et non pas croire en la réussite.
La confiance dans les syndicats et les DP pour construire des solutions justes, même si celle-ci les dessert personnellement.
Ce sont les actionnaires qui acceptent de discuter en toute transparence des conditions de rachat et à trouver des propositions gagnant-gagnant.
Et même les banquiers se laissent surprendre et convaincre par cet esprit de confiance qu'ils sentent vivant dans cette entreprise.
Ces histoires de confiance sont simples, et pourtant ce sont des oeuvres. Elles se construisent au jour le jour dans l’ordinaire du quotidien et se racontent dans les moments difficiles comme des vieilles légendes de batailles remportées. Elles se renforcent dans l’extraordinaire car Loïc a choisi de tout dire à ses équipes. Ses espoirs, ses rêves, ses engagements, ce qui peut arriver, jusqu’où il peut aller et là où il n’ira pas.
La confiance est un trésor précieux à célébrer chaque jour.
Dire la vérité, faire ce qui est annoncé, avouer ses doutes, être cohérent, exigeant et droit, tout cela c’est honorer l’intelligence des personnes et des équipes.
Tous les hommes et les femmes qui participent à faire vivre la confiance dans leurs communautés professionnelles même restreintes, les patrons, les managers, qui ont ce courage, sont nos nouveaux héros.
Le mérite de Loïc n’est pas seulement d’avoir sauvé cette entreprise, et les emplois. C’est d’avoir construit patiemment et avec constance les conditions de la confiance qui est le terreau de tous les possibles.