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IDEHO - Page 15

  • La bourse ou la vie ?

    L’autre jour j'écoutais sur France Culture Philippe Descola, anthropologue français (Collège de France) raconter son séjour dans la tribu amérindienne des Jivaros Achuar qu’il a réalisé avec son épouse de 1976 à 1979.

    Cette tribu comptait beaucoup plus de membres avant l’invasion de la forêt amazonienne par les multinationales. Les Jivaros Achuar s’étaient de fait désocialisés et l'arrivée de ces deux français était une source inépuisable d'étonnement, d’apprentissage et de divertissement.

    Philippe Descola nous raconte que le revers de la médaille de l’harmonie sociale est la monotonie quotidienne. Dans ce contexte ce sont les guerres qui deviennent des vecteurs de cohésion et des occasions d'excitation et d’émotions. Comme l’analysait Pierre Clastres, les guerres permettent de rétablir les frontières du groupe et de développer des stratégies d’appartenance et d’unité.

    Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement avec notre société occidentale. Nous sommes sortis depuis peu des guerres militaires sur notre territoire. L'incroyable efficacité de nos armes modernes ne nous permet plus de prendre le risque de conflits armés.
    La guerre politique est alors advenue (guerre froide) et simultanément une guerre économique qui ne cesse de s’étendre.

    Que signifie cette guerre économique ? Quel en est l'enjeu ?

    Est-ce de la guerre économique que nous voulons chaque jour quand nous partons travailler ? Jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour y participer et tenter de la gagner ?

    Et que nous apporte t-elle?
    Qu’en est-il de la fonction identitaire de la guerre économique, alors que les entreprises qui y participent sont mondialisées et changent de territoires au gré des opportunités fiscales? Qu’en est-il de cette fonction d’appartenance, lorsque les entreprises excluent leurs membres sous prétexte de dégraissage ?

    Pour qui nous battons-nous et pourquoi ?

    C'est bien ce manque de sens qui crée ce malaise toujours croissant dans le travail, surtout chez les cadres qui sont les sous-officiers de cette armée des chiffres.

    Mais les entreprises ne sont pas toutes en guerre.

    Le monde se divise ainsi en deux. Celui des entreprises qui imposent un univers chiffré et virtuel, qui place les hommes en domestication, à leur service, pour participer à une guerre économique sans frontière où la fin justifie les moyens, même si les dégâts collatéraux sont les destructions sociétales et surtout la destruction de l’écosystème qui nous permet de vivre. Ex:
    Et
    Celui des entreprises qui agissent local et peuvent penser global, qui servent l’économie réelle, ancrées dans leur territoire, dans leur village, elles ne sont pas créées pour être vendues mais pour offrir une valeur d’usage utile.

    Ces entreprises donnent du sens à leur mission, placent l'intelligence humaine au centre de leur création de valeur. Certaines vont même jusqu’à se libérer de la méfiance et de la bureaucratie pour aller vers la confiance et l'autonomie.
    Elles ont dans la pratique remis en œuvre l'artisanat parfois même la tradition du compagnonnage comme culture de développement.

    Evidemment ces entreprises font aujourd'hui rêver.

    Pourtant, leur vie n’est pas si simple, car pour se nourrir elles sont souvent obligées de pacter avec l’autre monde, celui où le prix est plus important que la valeur.
    Ce n'est pas facile tant l’histoire dominante de financiarisation et de mercantilisme est forte. Il leur faut réapprendre, réinventer une gouvernance et une relation à l’Autre (le client, le fournisseur, le concurrent…) pacifiée. Après plusieurs siècles d’organisation pyramidale, le taylorisme, le fordisme et la bureaucratie sont devenus une norme des organisations. La modernité s’est échinée à dissoudre avec beaucoup d'application toute forme de pensée artisanale pour la remplacer par l’idée d’une entreprise vectrice de conquête puis d’objet de spéculation.

    Mais l'histoire de la liberté et de l’indépendance, de l’amour de son métier et de son client résiste.
    Alors n’oublions pas que ces entreprises qui sont des terreaux d’aventure humaine sont là, plus vivantes que jamais. Qu’il est possible d’envisager une vie économique qui ne soit pas la guerre, qu’il est possible, comme le propose l'intention artisanale de faire le mieux possible son travail, d'y prendre plaisir et de pouvoir en vivre.
    C'est tellement simple !

    Alors, la bourse ou la vie ?

  • Ouvrir un chemin...

    2015,

    Oser l'espérance,

    Laisser l’impatience et garder la prudence.

    Vivre avec moins et se réjouir du mieux.

    Soufflons la flamme de la confiance, pour une vie en conscience,

    Bonne année !


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    Vision, engagement, coopération, confiance, relation, créativité, plaisir au travail.
    Libérer l’entreprise pour plus de confiance et d’autonomie.



    "Tout le monde croit que le fruit est l’essentiel de l’arbre quand, en réalité, c’est la graine." Friedrich Nietzsche

  • Les navigateurs du savoir

    10 siècles avant JC, bien longtemps avant que les navigateurs européens osent même s’éloigner des côtes de peur de se perdre, les navigateurs polynésiens découvrent sur leurs pirogues les dizaines de milliers d’îles que forment cette splendeur d’archipels en forme un triangle entre Hawaii, la Nouvelle Zélande et l'île de Pâques. 

Abandonnant les forêts de Nouvelles Guinée, les navigateurs partent explorer et conquérir le monde jusqu’aux îles Fidji, Samoa et Tonga. 500 ans avant Christophe Colomb, les polynésiens avaient déjà peuplé presque tous les archipels du Pacifique en 80 générations seulement. Ils embarquaient sur des catamarans découverts, construits avec des outils de corail de pierre et d’os humain. Les voiles étaient en pandanus tissés, les lattes assemblées avec de la fibre de coco, le calfatage en résine d’arbre à pain. La navigation se faisait sans instrument. 

Les colons occidentaux se sont longtemps demandés d’où venaient les peuples des îles et bâtirent des tas de théories de perte en mer, de dérives etc…qui avaient comme point commun de nier les compétences des ingénieux et intrépides navigateurs. Aujourd’hui, nous savons non seulement que les polynésiens exploraient et colonisaient les mers et les îles, mais qu’ils avaient aussi établi des lignes commerciales maritimes régulières.

    

iu.jpegLe génie des anciens polynésiens* ne peut se comprendre qu’à travers les éléments fondamentaux de leur univers : le vent, les vagues, les nuages, les étoiles, le soleil, les oiseaux -croiser une sterne blanche signifie que la terre est à moins de 200 Km- la lune, les poissons et l’eau. Chacun de ces éléments donne des indices précieux à qui sait les lire. Les navigateurs ont percé à travers les siècles le secret de la grande eau, la physique et la métaphysique des vagues. Rien ne leur échappe, sa salinité, son goût, sa température, ses débris de plantes et ses cinq types de houle.
A l’exemple des savants, le navigateur traditionnel apprend par l’expérience directe et par la mise à l’épreuve des hypothèses, avec des informations qui proviennent de toutes les branches des sciences naturelles, de l’astronomie, du comportement animal, de la météorologie et de l’océanographie. La formation se poursuivait pendant toute la vie et nécessitait énormément d’investissement et de discipline, pour finir récompensée par le plus haut niveau de prestige dans une société où le statut était tout.


    En 1975, sous l’initiative du navigateur marquisien Nainoa Thompson , l’Hokule’a prend la mer pour un voyage de 4400 km selon les méthodes ancestrales pour une courageuse réappropriation de leur histoire et la revendication d’un héritage de talent dérobé. Depuis ce premier voyage, le bateau a parcouru plus de 150 000 km à travers toutes les archipels avec pour seul guide, les sens du navigateur, le savoir de l’équipage, la fierté, la puissance et l’autorité de tout un peuple ressuscité.

Les navigateurs de l’Hokule’a étaient capables de nommer et suivre près de 200 étoiles dans le ciel nocturne, connaissaient toutes les constellations. Il suffit de suivre 10 étoiles pour se guider et maintenir le cap toute une nuit en mer mais il ne suffit pas de regarder les étoiles pour savoir où l’on est, il faut savoir d’où l’on vient en mémorisant l’itinéraire que l’on a pris.


    Toutes ces compétences prises individuellement sont déjà éblouissantes, mais le génie du navigateur ne repose pas sur le détail mais sur l’ensemble, sur sa capacité à mettre tous ces éléments en lien dans un environnement en constant changement.

La science et l’art de la navigation sont holistiques.

Un navigateur ne dort pas, seul à la poupe, il est comme un ermite parmi l’équipage, personne ne le dérange, pour laisser son cerveau agir, sans registre, sans carte, sans compas, sans montre, sans sextant.

    

Nous avons nous aussi besoin de navigateurs sur la mer agitée de la complexité mondialisée. Ce n’est pas la technologie qui doit nous guider mais bien notre connaissance et nos sens.

C’est ce que savent faire nos sages, ceux qui vivent éloignés de l'agitation du monde et qui représentent le pouvoir noétique**. Écrasé par les pouvoirs économiques et politiques qui utilisent une pensée mécaniste et linéaire, divisent et morcellent le savoir, le pouvoir noétique n’a pas suffisamment de place et il est temps de lui rendre. 



    

*Pour en savoir plus: lire "les navigateurs ancestraux" de Wade Davis

    **Noétique: La Noétique (du grec ‘noûs’ : connaissance, esprit, intelligence) : C'est le domaine de la pensée, de la connaissance, de l'intelligence.